4.1 La question de l’actualité des miracles

Cet article s'insère dans la cadre de la série "Signes, prodiges et miracles dans le Nouveau Testament"

Pour terminer cette série, j’aimerais proposer quelques réflexions en vue d’une application de l’enseignement biblique en lien avec le contexte contemporain. Quelle place faut-il accorder aux miracles dans la vie de l’Église ? Cette quatrième partie est divisée en deux sous-parties. La première question, traitée dans ce post, concerne l’actualité des miracles. Doit-on s’attendre à voir des miracles dans l’Église d’aujourd’hui ?

Le point de vue cessationiste

Selon le point de vue de certains théologiens que l’on appelle « cessationistes », les dons miraculeux étaient réservés à l’époque de Jésus et des apôtres. Les miracles servaient à attester la révélation de Jésus-Christ. Mais, maintenant que cette révélation a été transmise une fois pour toute à travers les écrits bibliques, les miracles ne sont plus utiles. Ce qui explique, selon eux, que l’on ne voit plus de vrais miracles accompagnant la prédication de l’Évangile depuis la fin de la période apostolique et jusqu’à aujourd’hui.

Bien entendu, ce dernier constat de type historique, est particulièrement discutable. Des témoignages de miracles qui rendent gloire à Dieu, il en existe des milliers rien qu’à l’époque contemporaine. Moi-même, bien que venant d’un pays très rationaliste et malgré mon jeune âge, j’ai déjà vu plusieurs miracles. Alors, bien sûr, les cessationistes diront que je me trompe et que je prends pour un miracle ce qui n’en était pas un. Mais cela reste le point de vue de l’un contre le point de vue d’un autre.

Principaux arguments bibliques

Ce qui fait autorité pour nous, ce n’est pas l’histoire de l’Église ou les témoignages des uns et des autres, mais ce que dit la Bible. Quels sont donc les arguments bibliques sur ce sujet ?

  • Les cessationistes soulignent le fait que, dans le Nouveau Testament, en dehors de Jésus, tous les miracles sont accomplis par les apôtres ou leurs collaborateurs comme Étienne, Philippe ou Barnabas.
    • Réponse: Il est vrai que l’on n’a pas d’exemple de miracle accompli par un simple membre d’église. Toutefois, il faut se souvenir que les récits du Nouveau Testament se focalisent sur le ministère des apôtres et de leurs collaborateurs. Le livre des Actes s’intéresse aux actes des « apôtres ». Il ne nous dit rien sur le ministère d’autres chrétiens. De ce fait, si l’on applique le raisonnement des cessationistes à d’autres questions comme l’enseignement, on se rend vite compte des limites. En effet, dans le livre des Actes, l’enseignement chrétien est uniquement accompli par les apôtres ou leurs collaborateurs. Faut-il en déduire que l’enseignement n’est plus d’actualité et que l’on devrait s’en passer dans l’Eglise d’aujourd’hui ?
  • En 2 Corinthiens 12.12, Paul présente les « signes, prodiges et miracles » comme les « signes de son apostolat ». Selon les cessationistes, cela suggère un lien particulier entre le ministère des apôtres et les miracles.
    • Réponse : Là encore, on fait dire au texte ce qu’il ne dit pas. Il est vrai, comme nous l’avons vu, que les miracles servent à authentifier la prédication des prophètes et apôtres. C’est cette idée que Paul reprend dans ce texte. Mais, cela ne signifie pas que les miracles étaient réservés aux apôtres. D’ailleurs, en 2 Corinthiens, Paul préfère mettre en avant d’autres preuves de son apostolat : ses souffrances, son travail dur au service des églises, les persécutions endurées. Est-ce que cela signifie que la souffrance ou la persécution est réservée au ministère des apôtres ?
  • En Hébreux 2.4, les cessationistes comprennent les « signes, prodiges et miracles » donnés par Dieu pour « sur-attester » le message du salut, comme se référant au ministère des apôtres.
    • Réponse : Dans le survol des données néotestamentaires (voir ici), j’ai indiqué qu’il y avait ici une difficulté de traduction. Certains interprètes pensent que le texte se réfère non pas au ministère des apôtres, mais aux miracles qui se produisent dans l’Église en général. De plus, même s’il fallait lire le texte comme une référence au ministère des apôtres, cela ne dit rien sur la question de la cessation des miracles.

En fait, il n’y aucun texte du NT qui indique explicitement que les miracles sont réservés à la période apostolique et qu’ils cesseront par la suite. Alors, pourquoi les cessationistes tiennent-ils tant à ce que les miracles soient limités à la période des apôtres ?

Le rôle des miracles dans la doctrine de l’autorité et de la suffisance de l’Écriture

Il me semble que derrière tout cela, on trouve chez les cessationistes, un souci particulier : celui de l’autorité et de la place centrale de la Bible dans la vie de l’Église. En effet, selon la doctrine classique de l’Écriture, Dieu a confié un rôle spécifique aux apôtres et à leurs collaborateurs : celui de mettre par écrit la révélation divine, transmise une fois pour toutes en Jésus-Christ. Cette mise par écrit a abouti à la rédaction du Nouveau Testament et à la clôture du canon biblique. Ce rôle spécifique accordé aux apôtres peut s’appuyer notamment sur un texte comme Éphésiens 2.20 qui indique que l’Église a été construite sur le fondement posé par les « apôtres et prophètes ». Ce fondement, comme l’indique la suite du texte, est « la révélation du mystère du Christ » transmis aux apôtres (Ep 3.4-5). Et, comme on ne peut pas poser deux fois le fondement d’un édifice, cela explique que le rôle « fondateur » de ces « apôtres et prophètes » est unique dans l’histoire.

Or, au sein de cette doctrine fondamentale et importante pour tout chrétien, les nombreux signes et miracles en lien avec le ministère des apôtres sont compris comme attestant ce rôle prophétique particulier qui leur est confié. Jusque-là, il me semble que le raisonnement est tout à fait juste.

Il faut donc bien comprendre le souci des cessationistes. Ceux-ci ne sont pas juste anti-charismatiques ou jaloux du succès des Pentecôtistes. Ils voient les miracles contemporains comme une menace pour l’autorité de la Bible. En effet, ceux qui accomplissent des miracles ne vont-ils pas utiliser ces miracles pour défendre l’autorité de leur enseignement, de leur ministère, voire des révélations qui leur sont accordées ? Et en revendiquant une telle autorité pour leur ministère ou leur prédication, ne vont-ils pas prendre la place de la Bible ?  De telles dérives ne sont pas juste hypothétiques : elles sont bien présentes autour de nous. Les miracles sont utilisés pour développer un culte de la personnalité, ou pour justifier des prophéties farfelues. Les cessationistes ont donc un souci honorable : celui de défendre l’autorité de l’Écriture, seule norme pour notre foi.

Le miracle ne sert pas seulement à attester la vocation des apôtres

Mais dans ce combat honorable, il me semble que les cessationistes vont trop loin. L’Écriture souligne bien le rôle des miracles pour attester le ministère unique des apôtres à l’origine du Nouveau Testament. Toutefois, la Bible ne limite pas les miracles à ce seul rôle-là.

Le rôle des miracles dans l’annonce de l’Évangile

Comme nous l’avons vu dans la partie précédente, le miracle n’a pas pour unique rôle d’authentifier la prédication apostolique. Il sert aussi à transmettre en « actes » le message de l’Évangile ou à signifier la venue du Royaume de Dieu.

Or, il me semble que tous les chrétiens – y compris les cessationistes – sont d’accord pour dire que le message de l’Évangile a encore besoin d’être proclamé de nos jours. Ou qu’il reste des peuples à qui il faut encore signifier la venue du Royaume de Dieu. Et sur quels textes basons-nous cela ? Principalement sur les textes d’envoi en mission des Évangiles ou des Actes. Or, ces textes associent la proclamation de l’Évangile à la guérison des malades ou à la délivrance. Il n’y a aucune raison de ne retenir qu’une partie de ces textes d’envoi. Alors, certains diront peut-être que dans ces textes, Jésus ne s’adresse qu’aux apôtres. Toutefois, la manière dont ces discours de Jésus ont été écrits par les évangélistes montre clairement que, pour eux, les paroles de Jésus ne concernent pas juste la mission des Douze apôtres. Cette mission des Douze est appelée à se prolonger à travers le ministère des chrétiens au fil des siècles. Ce processus se manifeste particulièrement dans l’Évangile de Luc. En effet, l’envoi des Douze en mission au chapitre 9 est suivi de l’envoi de 72 autres disciples au chapitre 10. Comme pour signaler qu’il est prévu que le nombre de missionnaires ne reste pas bloqué à Douze.

Des « signes et prodiges » caractéristiques de la période située entre les deux venues du Christ

De plus, limiter les « signes et prodiges » à la période apostolique me semble aller dans la direction inverse de la manière dont le Nouveau Testament conçoit les temps. Les auteurs du Nouveau Testament voient en la venue de Jésus le commencement de la période finale de l’histoire. En Actes 2, Pierre affirme que ce qui est en train de sa passer à la Pentecôte, est l’accomplissement de Joël 3 « dans les derniers jours » (Ac 2.17). De ce fait, depuis la venue de Jésus et le déversement de l’Esprit sur le peuple de Dieu il y a 2000 ans, nous sommes dans les derniers jours. Nous vivons la période finale de l’histoire, située entre les deux venues du Christ. Or, selon la citation de Joël 3 en Actes 2 (mais aussi probablement Apocalypse 11), les « signes et prodiges » sont caractéristiques de cette période finale de l’histoire. Depuis 2000 ans, nous vivons la période durant laquelle le peuple de Dieu s’étend à travers toutes les nations de façon assez incroyable. Cette conception néotestamentaire de l’histoire me semble opposée à l’idée que les miracles seraient réservés à quelques dizaines d’années, puis qu’il n’y en aurait plus pendant 2000 ans ou plus.

Le risque de développer l’image d’un Dieu silencieux

Enfin, il me semble que mettre le miraculeux en dehors de l’Église comporte un autre risque. Celui de développer l’image d’un Dieu silencieux depuis presque 2000 ans. Certes, Jésus-Christ est la Parole faite chair, le sommet de la révélation. En lui, tout a été dit. Et il n’y a rien à ajouter. Cela pourrait et devrait suffire pour nous conduire à la foi et au salut. Dieu ne devrait pas avoir besoin de rajouter quoi que ce soit. Mais ce que montrent précisément les récits de miracle dans le Nouveau Testament, c’est que Dieu, dans grâce et sa bienveillance, souhaite quand même manifester concrètement sa puissance. En fait, Jésus lui-même n’aurait pas dû avoir besoin de faire des miracles. Il le reproche d’ailleurs à ceux qui viennent lui demander un miracle. Ils ont Jésus en face d’eux, le Fils de Dieu mort et ressuscité. Cela devrait largement suffire. Pourtant, Dieu a choisi d’ajouter encore le miracle pour « sur-attester » son message de salut (Hb 2.4). Je crois qu’il n’y a pas de raison pour que ce soit différent aujourd’hui. Dieu, dans sa grâce, témoigne de son amour et de sa compassion pour nous, en intervenant de manière extraordinaire pour signifier sa présence, sa puissance et son salut beaucoup plus grand. Il n’est pas absent de nos vies. Il se manifeste au quotidien, parfois de manière extraordinaire. C’est pour cela aussi que nous lui remettons nos besoins concrets, que nous lui demandons de diriger notre vie ici-bas ou que nous prions pour ceux qui sont malades.

Par conséquent, il me parait légitime de prier pour la guérison miraculeuse ou la délivrance de ceux qui souffrent. Et, en particulier, lors de l’annonce de l’Évangile. Prier pour les malades non-chrétiens est un moyen de manifester l’amour du Christ. Lorsque le Seigneur exauce cette prière, cela touche particulièrement les personnes, et, dans bien des cas, les met dans des dispositions de cœur pour une guérison bien plus profonde : celle du salut en Jésus-Christ.

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9 Responses

  1. Jézéquel Magali

    Merci Timothée, tu expliques clairement les choses d’un point de vue biblique et je suis tout à fait d’accord avec ton analyse des dérives qui existent parfois quand se produisent des miracles et la peur de ces dérives qui a certainement une grande place dans les interprétations des cessationnistes. J’espère que vous allez bien à Madagascar, salutations fraternelles du Sénégal !

    • Timothée Minard

      Merci Magali. Tout va bien chez nous en cette fin d’hiver. J’espère que tout se passe bien chez toi également. Salutations fraternelles !

  2. Christofidis

    Merci Timothée,
    200% d’accord avec toi. Reste que parfois Dieu reste silencieux dans la vie de ses enfants. Et l’issue pour certaines situations est difficile à comprendre.
    Paul aussi a été triste à cause de Epaphrodite (Philippiens 2) et laissé Trophime malade (2 Timothée 4).
    C’est cette tension permanente entre le déjà là et le à venir du royaume qui est difficile à vivre.
    Ce que je veux dire par là, c’est qu’il est important pour ceux qui enseignement et / ou qui prêchent de parler aussi de ces silences de Dieu. J’ai trop souvent entendu des messages culpabilisant pour celui qui n’était pas guéri.
    Merci encore pour ces enseignements.
    Sois béni
    Stephane C.

    • Timothée Minard

      Merci pour les encouragements et ce message plein de sagesse. Les silences de Dieu font effectivement aussi partie de l’enseignement biblique.
      Bénédictions.

  3. Gérard

    Bonjour Timothée,
    Merci pour ce message appréciable à bien des égards, j’ai cependant quelques réserves.
    À propos du paragraphe concernant 2 Co. 12,12, il me semble impossible d’affirmer comme tu le fais que ce que dit Paul puisse s’appliquer à tous les enfants de Dieu sinon sa démonstration pour ceux qui contestent son ministère n’aurait tout simplement pas de sens. Dans ce passage, il cherche à montrer qu’il n’a rien de différent des  » apôtres par excellence  » (vt 11) et qu’il fait partie de cette catégorie de serviteurs appelés apôtres. Ton argumentation est une affirmation plutôt qu’une véritable démonstration, c’est dommage.
    Par ailleurs, je ne vois pas qu’il mette en avant  » d’autres preuves  » parlant de ses souffrances et de ses persécutions. Il me paraît qu’il présente plutôt ces choses comme les conséquences de sa vie d’apôtre. La « preuve » (Seg) ou « signe » (plus justement traduit par Darby) du ministère apostolique, et pas seulement du sien, se situe bien dans le verset 12. Là encore ton affirmation me semble contestable au plan exégétique.
    Une saine lecture de ce texte associé à celui d’Eph. 2,20 que tu cites justement, conduit en toute simplicité au cessationisme. À propos de cessationisme, à part quelques radicaux, la plupart d’entre nous rient pour les malades et pour des interventions Divines. À titre personnel, j’ai maintes fois été témoin d’exaucements merveilleux pour moi-même, ou pour d’autres personnes.
    Je crois et j’enseigne cela depuis plusieurs décennies en n’oubliant jamais qu’il en va de la souveraineté de Dieu et que par ailleurs, les DONS miraculeux du premier siècle ne sont plus nécessaires aujourd’hui puisque précisément les DONS d’apôtres et prophètes de Christ, qui le furent à cette époque, ne le sont plus aujourd’hui. Ces deux versets suffiraient à le montrer (2 Co.12,12 et Eph. 2,20).
    Je suis un peu surpris qu’il n’y ait dans cette présentation aucune exégèse de 1 Co. 13,8. J’en propose une qu’il est bien sûr possible de ne pas recevoir (?) :
    https://www.eglise-baptiste-perpignan.org/2014/05/les-dons-de-prophetie-des-langues-et-de-connaissance-existent-ils-encore/
    Je suis toujours encouragé à te lire et ne puis que me réjouir de ta volonté de vivre en conformité avec la Parole de Dieu.
    Bien fraternellement en Christ.

    • Timothée Minard

      Bonjour Gérard,
      Merci pour tes encouragements et ton message.
      Comme je l’écris dans l’article, je suis tout à fait d’accord sur le fait que les miracles accomplis par Jésus et les apôtres servent (notamment) à attester leur rôle spécifique dans la transmission de la révélation une fois pour toutes. Toutefois, ce que j’explique c’est que les textes du Nouveau Testament montrent que les miracles ne jouent pas QUE ce rôle-là. Par exemple, les miracles accompagnent aussi la prédication de l’Évangile, que ce soient pour les 12, pour les 70 et, par extension, pour tous ceux qui répondront à l’appel missionnaire de Jésus. De plus, plusieurs textes indiquent que les miracles sont caractéristiques des « derniers jours », ce qui ne peut pas se limiter à la période apostolique.

      C’est exactement la même chose pour la question de la cessation de la prophétie : le cessationisme ne tient pas compte de L’ENSEMBLE des textes du Nouveau Testament. Ephésiens 2.20-3.5 indique que certains prophètes chrétiens ont joué un rôle unique en posant le « fondement » une fois pour toutes. Mais, Ephésiens 2-3 n’est pas le seul texte qui évoque le rôle des prophètes chrétiens : d’autres textes (comme 1 Corinthiens 14 ou les Actes) indiquent que les prophètes ont d’autres rôles à jouer dans la « construction » de l’Église et que, dans ces cas-là, il ne s’agit pas de rôles liés au « fondement ».
      Je donne des explications un peu plus détaillées dans cet article : https://timotheeminard.com/la-prophetie-chretienne-dapres-le-nouveau-testament-introduction/. J’y mentionne notamment 1 Corinthiens 13.8 qui, selon tous les commentateurs contemporains que j’ai consultés, se réfère à la période de la nouvelle création (la fin des temps). Même Richard Gaffin, célèbre défenseur du cessationisme, reconnaît que ce passage évoque la période de la parousie et qu’il ne peut donc pas être utilisé pour défendre le cessationisme. C’est pour cela que je ne m’y arrête pas car c’est un passage qui n’est plus tellement invoqué dans le débat contemporain.

      Salutations fraternelles, dans la joie de la venue de notre sauveur !
      Timothée

  4. Gérard

    Bonjour Timothée,
    Merci pour ta réponse rapide.
    Je suis étonné que tu n’aies pas répondu à mon propos sur le texte de 2 Co. 12,12. ? Il n’est pourtant pas sans importance.
    Je rejoins ta pensée concernant le fait que de nombreux autres textes traitent des et de la prophétie, cependant puisque une saine herméneutique n’exigerait-elle pas que les textes les plus clairs donnent la lumière sur les textes en discussion, celui d’Ephésiens 2,20 (augmenté de celui de 2 Co. 12,12) étant sans discussion possible, ne devrait-il pas servir de matrice pour la compréhension des autres passages ?
    Il est exact aussi que des tenants du cessationisme ont quelques réserves quant à 1 Co.13. Ceci étant, puisque c’est de ce passage que l’on tire le terme de cessationisme, il est difficile de l’écarter totalement, d’autant que d’autres, tel Mc Arthur ne le négligent en rien. De plus on trouve presque toujours un théologien pour en combattre un autre, ce qui fut le cas depuis le temps des Pères.
    Pour ce qui me concerne, je m’engage rarement dans un débat sur les blogs, mais celui-ci est si important eu égard à toutes les dérives liées au continuationisme que je prends du temps pour m’y engager.
    Cela fait maintenant plusieurs dizaines d’années que je ne cesse de sonder l’Écriture sur cette question. Je suis bien d’accord qu’il n’est pas simple d’en faire le tour, néanmoins, à ce jour, je n’ai pas trouvé de doctrine plus probante, du fait précisément de 2 Co. 12,12.
    Je vais m’appliquer à lire ton autre article sur la prophétie Chrétienne…
    Je te remercie encore pour tes engagements dans le combat pour la vérité et me réjouis de lire ta réponse sur le texte de 2 Co.
    Avec ma fraternelle estime.

    Gérard

    • Timothée Minard

      Bonjour Gérard,

      Il est vrai que je n’ai pas répondu en détail sur le sens de 2 Corinthiens 12.12, car il ne me semble pas que l’on puisse déduire quoi que ce soit concernant la cessation des miracles à partir de ce verset.
      Contrairement à ce que tu as compris, je ne pense pas du tout que ce verset « puisse s’appliquer à tous les enfants de Dieu ». Le verset suppose effectivement que les miracles sont vus comme des « signes de l’apostolat ». Je suis tout à fait d’accord de dire que les miracles ont servi à authentifier le message et la mission spécifique des apôtres. Mais, ce que j’essaye d’expliquer est que ce verset ne dit absolument pas : « les miracles ont pour UNIQUE rôle d’attester le ministère apostolique et n’ont été produit QUE par les apôtres ». Sinon, il faudrait dire que la « persévérance à toute épreuve » (mentionnée à côte des « signes, prodiges et miracles ») est aussi réservée aux apôtres et qu’aucun autre chrétien n’est appelé à manifester une « persévérance à toute épreuve ».
      C’est une erreur classique de logique de prendre les caractéristiques d’un groupe et d’en déduire que tous ceux qui ont ces caractéristiques appartiennent forcément à ce groupe (l’exemple classique est que je ne peux pas déduire de l’affirmation « tous les humains sont mortels » que « tous les mortels sont des humains ». Autre exemple, si je dis que « les signes d’un bon boulanger est qu’il fait du bon pain croustillant et qu’il n’utilise pas de produit chimique » ; je ne peux pas en déduire que tous ceux qui « font du bon pain croustillant et qui n’utilisent pas de produit chimique » sont des boulangers). Autrement dit, ce n’est pas parce que les miracles et la « persévérance à toute épreuve » sont nécessaires pour que l’on puisse reconnaître un apôtre, que cela signifie que des non-apôtres ne peuvent pas produire ces signes.
      Enfin, le contexte des chapitres 10 à 13 de 2 Corinthiens, montre que les « miracles » ne sont justement pas des « signes » suffisants de l’apostolat. Dans ces chapitres, Paul défend son ministère face à de « faux apôtres » (1 Co 11.13). Selon ma compréhension du chapitre 12 (à la suite de plusieurs commentateurs), ces « super apôtres » (v. 11) mettaient particulièrement en avant leurs visions et leurs miracles. La réponse de Paul, aux chapitres 10 à 12 est de dire : moi aussi j’ai accompli des miracles et ai expérimenté des visions ; mais ce qui prouve que je suis encore « plus serviteur du Christ » qu’eux (11.23) ce sont les souffrances que j’ai endurées dans mon ministère (cf. 11.23-33) et je préfère mettre en avant ma « faiblesse » (11.30-12.10). Il est possible d’ailleurs que Paul oppose ici ironiquement sa « faiblesse » à la mise en avant des « actes de puissance (dunameis) » par les faux-apôtres. Ces chapitres montrent ainsi que les miracles ne peuvent pas servir de seules preuves pour l’apostolat, puisque des faux apôtres semblent pouvoir aussi en revendiquer.
      Donc, pour résumer ma compréhension du verset, 2 Corinthiens 12.12 indique que, à l’époque de Paul, on attendait d’un apôtre qu’il produise des miracles. Il est possible, à la lecture du reste du Nouveau Testament, qu’ils en produisaient généralement plus que les autres chrétiens. Mais, on ne peut pas déduire de ce passage que les miracles étaient une prérogative des apôtres. Cela ne peut d’ailleurs pas être le cas puisque cela viendrait s’opposer à d’autres textes du Nouveau Testament qui montrent que les miracles ne sont pas réservés aux apôtres. C’est le cas des textes d’envoi en mission des évangiles qui sont rédigés de telle manière qu’il semble évident que les auteurs des évangiles pensent que ces textes ne s’appliquent pas qu’aux seuls apôtres. On peut citer aussi 1 Corinthiens 12.28-30 où les dons miraculeux sont distingués du ministère apostolique (« Premièrement les apôtres, deuxièmement les prophètes, troisièmement les enseignants, puis les miracles, les dons de guérison, etc. »).

      De manière plus générale, je dois avouer que, du fait de mon travail d’enseignant en fac de théo, je ne trouve que rarement le temps de lire des ouvrages de vulgarisation (comme ceux de Mc Arthur ou autres) : je me concentre généralement sur les écrits de type académique et, de préférence, les plus à jour (c’est une question de gestion du temps qui ne préjuge en rien de la qualité des écrits plus anciens ou moins techniques). C’est peut-être pour cela que je n’ai pas rencontré de défense du cessationisme sur la base d’1 Corinthiens 13.8.

      Une dernière remarque concernant la motivation que tu signales, celle des « dérives liées au continuationisme ». Je ne pense pas que cela soit juste de prendre les « dérives » de certaines pratiques pour récuser la valeur de ces pratiques. Je connais des faux enseignants de la Bible, mais ce n’est pas pour cela que je vais rejeter l’importance de l’enseignement de la Bible. Comme le disait déjà Irénée de Lyon face à ceux de son temps qui rejetaient la pratique de la prophétie, ce n’est pas parce qu’il y a des hypocrites dans l’église que l’on va s’abstenir de relations fraternelles avec les autres frères et soeurs (voir ici : https://timotheeminard.com/reponse-direnee-a-affirment-prophetie-nest-plus-dactualite/). Certains rejettent toute vie d’église parce qu’ils ont subi des abus dans une église. Nous conviendrons certainement que cela n’est certainement pas une motivation justifiée (même s’il faut être à l’écoute de la souffrance vécue par ces personnes) et que c’est l’enseignement biblique qui prime sur notre expérience (aussi douloureuse soit-elle).

      Bien fraternellement,
      Timothée

  5. Gérard

    Bonjour Timothée,

    Je te remercie de ta réponse circonstanciée et bienveillante et, malgré le temps que cela te prend, ce dont je suis confus, je me permets de poursuivre notre échange.
    2 Co.12,12 n’est certainement pas un texte qui a pour vocation initiale à justifier le cessationisme, je te rejoins donc bien volontiers en cela. C’est plutôt Eph.2,20 qui montre sans aucun doute possible que le ministère apostolique a cessé et qui prouve, à mes yeux tout au moins et jusqu’à ce jour, la validité du cessationisme. Il est néanmoins essentiel selon moi car il caractérise les dons spécifiques des apôtres, invalidant du même coup certaines affirmations continuationistes. L’un des avantages, selon ce qui me semble, tient au fait que n’importe quel croyant, même nouvellement converti peut comprendre et recevoir par la foi des certitudes.
    Je ne peux rejoindre ta présentation du type sophisme (le boulanger), il me semble, sans forcer quoi que ce soit, que l’on pourrait dire de la même manière que Paul le fait : « les signes qui attestent que je suis un Chrétien tiennent à ce que j’ai été baptisé, je persévère à vivre par la foi, j’aime mes frères d’un amour surnaturel et je porte du fruit spirituel à la gloire de Dieu ». Ce sont bien là les caractéristiques Bibliques d’un authentique enfant de Dieu et toute personne dont la vie atteste de ces choses en est la démonstration. À l’inverse toute personne dans la vie de laquelle cela n’apparaît pas n’est pas Chrétienne. Un faux Chrétien peut soutenir qu’il en est de même dans sa vie, il n’empêche que ses affirmations sont ineptes.
    Concernant le fait que Paul mette en avant sa patience à toute épreuve constitue un signe miraculeux que je qualifie de minimal, tel le baptême pour tout Chrétien. Les trois autres aspects constitueraient à mes yeux des signes que je qualifierais de spécifiques qui démontrent incontestablement ce qu’est un authentique Chrétien. Il en va de même pour les trois autres caractéristiques indiscutables d’un apôtre authentique, que l’on peut certes imiter en se trompant et en trompant.
    Tous les autres textes du NT peuvent s’aligner sur cette position qui, il est vrai ne traite pas du sujet dans sa globalité, mais qui constitue un point de départ possible d’une compréhension difficilement réfutable du cessationisme, même pour un néophyte, et même irréfutable, je crois, pour ce qui concerne Eph. 2,20.
    Il est exact qu’un abus de quelques uns ne disqualifie pas l’ensemble de ceux qui s’engagent dans une voie, cependant il est aussi exact qu’une erreur minime au départ conduit INVÉVITABLEMENT à des extrémités qui peuvent devenir calamiteuses et dont l’ennemi ne manque pas de se servir.
    Te remerciant pour ta patience, je me réjouirais de trouver par tes lignes des éléments indiscutables dont mon coeur a besoin pour abandonner toute forme d’erreur, surtout si de surcroît, l’Esprit de Dieu qui a vocation à enseigner toute chose, me confirme.
    Si je prends moi aussi du temps sur mon propre engagement, c’est parce que je suis convaincu, depuis que je lis ici et là ce que tu présentes, que ton coeur cherche plus que tout à plaire à Dieu, quel que soit le prix à payer, ce qui m’encourage toujours.
    Je te souhaite la pleine bénédiction dans le ministère d’enseignant qui t’est confié et je prie pour que le Seigneur t’utilise pour Sa gloire et la propagation de la Vérité de Sa Parole, dans un temps où le peuple de Dieu a besoin plus que jamais de fondements stables (sur ce point en particulier) tant il est tristement emporté à tout vent de doctrines par la tromperie des hommes et par leur ruse dans les moyens de séduction, sans parler de l’ennemi.
    Avec ma fraternelle et respectueuse salutation en Christ.
    Gérard
    PS : tu disposes de mon adresse email, je serais heureux de communiquer avec toi, si tu le veux sur l’un ou l’autre point, je suis un vieux pasteur d’une église Baptiste.