L’Église comme peuple prophétique dans le livre des Actes

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Cet article s'insère dans la cadre de la série "La dimension prophétique de l'Église"

La venue du Saint-Esprit le jour de la Pentecôte (Actes 2) n’est pas une manifestation du Saint-Esprit parmi d’autres. Il s’agit d’un événement fondateur pour les chrétiens, l’acte de naissance « dans l’Esprit » du peuple de Jésus-Christ.

En Actes 2.14-36, l’interprétation « officielle » de l’événement est donnée par l’intermédiaire de l’apôtre Pierre. Celui-ci indique que la venue de l’Esprit le jour de la Pentecôte constitue l’accomplissement de ce que Dieu avait annoncé par l’intermédiaire du prophète Joël : « Dans les derniers jours, dit Dieu, je répandrai de mon Esprit sur toute chair : vos fils et vos filles prophétiseront, vos jeunes gens verront des visions et vos personnes âgées rêveront des rêves. » (Actes 2.17 = Jl 3. 1). À la Pentecôte, le Père, par l’intermédiaire du Fils, a donné naissance « dans l’Esprit » à un peuple prophétique, un peuple au sein duquel tout le monde prophétise, hommes et femmes, jeunes et moins jeunes, esclaves et hommes libres. Ce peuple, c’est l’Église.

Le récit d’un (re)commencement dans l’Esprit (Actes 2.1-13)

Les premiers versets d’Actes 2 présentent le récit de la venue de l’Esprit sur les disciples rassemblés le jour de la Pentecôte.

Le récit est introduit par une formule surprenante, que l’on pourrait traduire littéralement : « Comme s’accomplissait (verbe sumplèroô) le jour de la Pentecôte » (Ac 2.1). Il est possible que Luc pointe vers « l’accomplissement » de la fête juive des Semaines (= Pentecôte). En effet, dans certains milieux juifs de l’époque du Nouveau Testament, on associait cette fête à l’alliance faite par Dieu avec Israël au Sinaï (Ex 19-20). En ce sens, le bruit, le vent, le feu et la stupéfaction/crainte de la foule sont autant d’éléments associés aux manifestations divines du Sinaï (cf. p. ex. Ex 19.18-19 ; 20.18-19). De même, le texte de Joël 3 mentionne, parmi les « prodiges », « du sang, du feu, une colonne de fumée » et l’obscurité (Jl 3. 3-4 = Ac 2.19-20) : ces éléments font vraisemblablement écho aux prodiges liés à la sortie d’Égypte en Exode. Ainsi, il semble que la venue de l’Esprit à la Pentecôte est mise en parallèle avec l’événement de l’Ancien Testament qui marque la véritable naissance de la nation d’Israël.

Le parallèle avec Israël s’observe également dans le fait que, juste avant le récit de la Pentecôte (Ac 2), on trouve le récit de la reconstitution du groupe des douze apôtres (Ac 1.15-26). Si Luc place ces deux récits à la suite, c’est probablement pour montrer que la Pentecôte de Jérusalem marque la mise en place d’un peuple habité de l’Esprit, configuré sur le modèle et dans la continuité d’Israël et représenté symboliquement par douze apôtres.

En ce sens, il faut noter que le texte insiste sur le fait que les premiers bénéficiaires du déversement de l’Esprit de prophétie sont tous des Juifs. À la fois les locuteurs en langues et leurs auditeurs sont présentés comme des « Juifs » (Ac 2.5, 11, 14), des « Israélites » (Ac 2.22, 36) ou des « résidents de Jérusalem » (Ac 2.5, 14). De plus, à ce stade du récit, on ne peut pas négliger l’importance de la focalisation sur Jérusalem : c’est à Jérusalem que Jésus devait mourir (Lc 13.33) et c’est à Jérusalem que les disciples doivent attendre la réalisation de la « promesse du Père » (Lc 24.49 ; Ac 1.4).

Dans le récit de la venue de l’Esprit, c’est le « parler en d’autres langues » qui occupe la place centrale. En effet, l’inspiration collective du groupe de la Pentecôte n’est pas un aspect annexe du récit : une fois passés les versets introductifs (Ac 2.1-3), le récit ne parle que de cela (Ac 2.4-13) et c’est ce phénomène qui occasionne le discours de Pierre (cf. Ac 2.14-16).

Si le noyau du peuple de l’Esprit est constitué de Juifs, le récit laisse aussi entendre que ce peuple est appelé à être constitué de croyants de toutes les nations. Le texte insiste sur le fait qu’il s’agit d’un cas de xénoglossie. Le récit indique que les locuteurs « parlent dans d’autres langues » (Ac 2.4). Il insiste surtout sur le fait que ces locuteurs sont « entendus/compris (le verbe akouô est répété aux v. 6, 8, 11) » par les Juifs venus de « toutes les nations qui sont sous le ciel » : ceux-ci les entendent « chacun dans [sa] propre langue maternelle » (Ac 2.5-11). Il est difficile de ne pas voir dans le récit de la Pentecôte un écho à la promesse de Jésus au chapitre précédent : Jésus annonce que les disciples vont recevoir le Saint-Esprit qui sera une « puissance (dunamis) » faisant d’eux des « témoins jusqu’au bout du monde » (Ac 1.8). Le fait qu’à la Pentecôte, sous l’inspiration du Saint-Esprit, les disciples soient capables de parler les langues de « toutes les nations » (Ac 2.5) n’est donc pas anodin. Le déroulement de la liste des nations auditrices des « grandeurs de Dieu » souligne cet aspect (Ac 2.8-11). Même si la suite du récit des Actes ne mentionne pas l’utilisation de cette capacité miraculeuse dans la mission de témoignage des apôtres, le parler en langues est un signe fort en vue de cette mission. Par le Saint-Esprit, les apôtres sont rendus capables de dire « les grandeurs de Dieu » (Ac 2.11) à des personnes de « toutes les nations » (Ac 2.5).

L’interprétation officielle de l’événement (Actes 2.14-41)

La suite du chapitre est consacrée à un long discours de l’apôtre Pierre qui a pour but d’expliquer l’événement de la Pentecôte (Ac 2.14-41). Or, voici comment Pierre introduit son discours :

« Non ces gens ne sont pas ivres… mais ce qui se passe là est ce qui a été dit par l’intermédiaire du prophète Joël : « dans les derniers jours, dit Dieu, je répandrai de mon Esprit sur toute chair, vos fils et vos filles prophétiseront, vos jeunes gens verront des visions, vos personnes âgées rêveront des rêves ; oui, sur mes serviteurs et mes servantes, en ce jour-là, je répandrai de mon Esprit et ils prophétiseront. J’enverrai des prodiges en haut dans le ciel et des signes en bas sur la terre. »

(Actes 2.15-19 ; voir Joël 3)

Autrement dit, à la Pentecôte, Dieu envoie son Esprit et tous les membres de son peuple peuvent désormais bénéficier du même type de révélation que ceux des prophètes : prophétie, rêves, visions. Et le texte souligne fortement que tout le monde est concerné, aussi bien les hommes que les femmes, les jeunes que les moins jeunes. Dans le texte original de Joël, il est précisé que même les esclaves seront concernés. Parce qu’ils ont reçu le même Saint-Esprit que celui qui inspirait les prophètes, tous les croyants peuvent bénéficier de la même inspiration.

Comme le relèvent la plupart des commentateurs, cette citation de Joël par Pierre à la Pentecôte joue un rôle programmatique dans le livre des Actes. C’est-à-dire qu’elle annonce le « programme » de ce que va être l’Église dans le livre des Actes. Elle justifie la mission de l’Église : c’est parce que l’Esprit du Christ a été déversé sur le peuple du Christ que l’Église peut jouer son rôle de témoin à Jérusalem, en Judée, en Samarie et jusqu’aux extrémités de la terre (voir Ac 1.8). La venue de l’Esprit prophétique sur tous les croyants, sans distinction de sexe, d’âge ou de statut social est aussi ce qui justifie l’extension du peuple de Dieu au-delà des seuls Juifs. En effet, comment l’Esprit de prophétie s’est-il manifesté le jour de la Pentecôte ? En faisant parler les disciples dans toutes les langues des nations. Comme pour montrer que le peuple sur qui est déversé le Saint-Esprit est appelé à s’étendre bien au-delà des limites d’Israël. Ainsi, selon les Actes, la Pentecôte constitue le véritable acte de naissance de l’Église « dans l’Esprit ».

Or ce qui est mis en avant en Actes 2, ce n’est pas la fonction vivifiante, ni la fonction sanctifiante du Saint-Esprit, c’est sa fonction inspiratrice. De nombreux textes de l’Écriture soulignent le rôle vivifiant du Saint-Esprit qui vient donner une vie nouvelle à ceux qui sont morts au péché (par exemple Ésaïe 44.3 ; Ézéchiel 36.26-27). Mais, en Actes 2, ce ne sont pas ces textes qui sont cités. C’est le texte de Joël 3. Un texte qui met en avant la fonction inspiratrice ou prophétique de l’Esprit de Dieu. Le Saint-Esprit est l’Esprit de prophétie qui inspire la parole et les actions de ceux qui sont appelés à être les porte-paroles de Dieu sur terre. Car le Saint-Esprit n’est pas seulement celui qui nous donne la vie et nous permet de marcher en sainteté de vie, il est aussi l’Esprit qui inspire la parole et les actes des témoins du Seigneur dans ce monde.

Le discours de Pierre montre qu’il y a un lien entre la venue de l’Esprit de prophétie et les miracles. D’une part, la citation d’Actes 2 est légèrement modifiée : alors que le texte de Joël indique que Dieu produira « des prodiges dans le ciel et sur la terre » (Jl 3. 3), la citation des Actes indique qu’il produira « des prodiges en haut dans le ciel et des signes en bas sur la terre » (Ac 2.19). L’ajout des « signes » est significatif. En effet, le couple « prodiges et signes » sert de point d’accroche pour la suite du discours puisque juste après avoir fini de citer le texte de Joël, Pierre fait le lien entre les « prodiges et signes » annoncés par Joël et le ministère de Jésus : « Jésus le Nazaréen » est présenté comme « un homme accrédité par Dieu à travers les actes de puissance, les prodiges et les signes que Dieu a accomplis par lui au milieu de vous » (Ac 2.22). Enfin, le chapitre 2 des Actes se termine par ce sommaire bien connu : « Ils étaient assidus à l’enseignement des apôtres, à la communion fraternelle, au partage du pain et aux prières. La crainte s’emparait de chacun, et beaucoup de prodiges et de signes se produisaient par l’entremise des apôtres. » (Ac 2.42-43, NBS). Le couple « prodiges et signes » sera ensuite utilisé à plusieurs autres reprises dans le livre des Actes pour se référer aux miracles accomplis par les disciples (Ac 5.12 ; 6.8 ; 14.3 ; 15.12).

Le discours ne se contente pas de commenter l’épisode de la Pentecôte, il précise un élément essentiel concernant l’identité de ce peuple : celui-ci est indissociable de la personne et de l’œuvre de Jésus-Christ. En ce sens, la citation de Joël 3 ne sert pas seulement à expliquer que l’Esprit promis a désormais été « répandu (ekchéô) », elle permet de relier la venue de l’Esprit à l’œuvre et à la personne de Jésus-Christ. Ainsi, la mention des « signes et prodiges » caractéristiques des derniers temps est directement suivie du rappel des « signes et prodiges » accomplis par Jésus (Ac 2.22). Dans la suite du discours, Pierre rappelle la mort, la résurrection et l’ascension du Christ (Ac 2.23-33). L’ascension est présentée au verset 33 comme une intronisation : « [Le Christ Jésus] ayant été élevé à la droite de Dieu et ayant reçu du Père la promesse, c’est-à-dire le Saint-Esprit, il l’a répandu (ekchéô) comme vous le voyez et l’entendez. » (Ac 2.33). La reprise ici du verbe répandre (ekchéô) dans ce qui constitue « le point culminant » du discours n’est pas anodine : elle permet de faire le lien avec la citation introductive (Ac 2.17-18). Le discours de Pierre conditionne donc la réalisation de la promesse de Joël par l’œuvre du Christ : c’est même ce dernier qui « répand » le Saint-Esprit reçu du Père (Ac 2.33). En faisant du Christ l’intermédiaire du déversement de l’Esprit de prophétie, le discours a pour effet de définir les contours du peuple de l’Esprit : il s’agit du peuple constitué par ceux qui reconnaissent en Jésus le Christ/l’Oint. Le peuple prophétique eschatologique doit donc son existence au « prophète » mis à mort à Jérusalem alors même qu’il souhaitait rassembler ses enfants « telle une poule sous ses ailes » (Lc 13.33-34). Après avoir subi dans la mort « les douleurs de l’accouchement » (Ac 2.24), il a été « élevé » pour donner naissance au peuple sur qui il a répandu l’Esprit « reçu du Père ».

Après que la foule a demandé : « que devons-nous faire ? », Pierre évoque à nouveau « la promesse » du « don du Saint-Esprit » associée au « baptême au nom de Jésus-Christ » (Ac 2.38) : « Car la promesse est pour vous et pour vos enfants, et pour tous ceux qui sont au loin, autant que le Seigneur notre Dieu en appellera. » (Ac 2.39). Ainsi la promesse de l’Esprit de prophétie ne concerne pas simplement les disciples réunis à la Pentecôte : le déversement du Saint-Esprit est appelé à se poursuivre bien au-delà de Jérusalem et des croyants réunis à la Pentecôte. La promesse est pour tous les baptisés « au nom de Jésus-Christ » (Ac 2.39).

Ainsi, Actes 2 présente la venue de l’Esprit à la Pentecôte comme l’acte de naissance d’un peuple-prophète, le peuple des croyants en Jésus-Christ sur qui a été déversé l’Esprit de prophétie.

Les échos à la Pentecôte dans la suite des Actes

En plus du chapitre 2, on trouve trois autres exemples dans les Actes de la venue de l’Esprit sur un groupe de personne provoquant des manifestations de type prophétique :

  1. En Actes 4.31, suite à la prière des disciples rassemblés, on trouve cette indication : « Quand ils eurent prié, le lieu dans lequel ils étaient réunis trembla, ils furent tous remplis du Saint-Esprit et ils disaient la parole de Dieu avec franchise. » La formulation « ils furent tous remplis du Saint-Esprit » est exactement la même qu’en Actes 2 (Ac 2.4). On remarquera que pour l’apôtre Pierre, c’est la troisième fois qu’il est « rempli du Saint-Esprit », après la Pentecôte et après le « remplissage » lorsqu’il prend la parole devant le Sanhédrin (Ac 4.8).
  2. En Actes 10.44-48, alors que Pierre prêche aux païens de la maison de Corneille, le texte dit « le Saint-Esprit tomba sur tous ceux qui écoutaient la parole » (Ac 10.44), ceux-ci se mettant à « parler en langues » (Ac 10.46). La « Pentecôte des païens » fait largement écho à celle d’Actes 2. Comme l’explique Pierre : « ils ont reçu le Saint-Esprit tout comme nous » (Ac 10.47). Ou encore : « le Saint-Esprit est tombé sur eux de la même manière que sur nous au commencement » (Ac 11.15).
  3. En Actes 19, alors que Paul est à Éphèse, ceux qui n’ont reçu que « le baptême de Jean » sont « baptisés au nom du Seigneur Jésus » (Ac 19.5). La venue du Saint-Esprit est ensuite présentée ainsi : « Paul leur ayant imposé les mains, le Saint-Esprit vint sur eux : ils parlaient en langues et prophétisaient » (Ac 19.6). Le verset suivant précise le nombre des baptisés : « Les hommes étaient, au total, environ douze » (Ac 19.7). La précision « environ douze » est bizarre : une telle précision s’explique pour un large chiffre, mais plus difficilement pour un chiffre comme « douze ». À mon avis, Luc attire ici l’attention sur le symbolisme de ce chiffre : tout comme il fallait qu’il y ait « douze » apôtres pour la naissance du peuple de l’Esprit à Jérusalem, il y a « douze » hommes à l’origine de l’Église d’Éphèse.

Ainsi, à quatre étapes importantes du récit des Actes, le Saint-Esprit vient sur toutes les personnes réunies en un même lieu (Ac 2 ; 4.31 ; 10.44-47 ; 19.6). Cela souligne le caractère généralisé du déversement de l’Esprit. Celui-ci ne fait pas de distinction entre les croyants : tous sont concernés par l’effusion du Saint-Esprit. De plus, si, parmi ces passages, la terminologie de la prophétie n’est employée qu’en Actes 2 et Actes 19.6, les manifestations associées à la venue de l’Esprit dans les deux autres textes sont clairement situées dans la continuité d’Actes 2 : en Actes 4, l’Esprit équipe les témoins-prophètes ; en Actes 10, l’Esprit fait « parler en langues ». Il s’agit bien, dans les quatre cas, de l’Esprit de prophétie, celui de Joël 3 selon Actes 2.

On pourrait objecter que, dans chacun des quatre récits que nous avons évoqués, l’Esprit de prophétie est déversé sur un groupe limité de croyants. Après tout, à la Pentecôte, ils sont cent-vingt tout au plus ; chez Corneille, il ne s’agit que d’une maisonnée et, à Éphèse, ils ne sont qu’une douzaine. Néanmoins, ces groupes jouent un rôle représentatif dans le récit des Actes.

  1. Actes 2 : Constitué autour des Douze, le groupe d’Actes 2 est celui des premiers chrétiens, ceux-là mêmes qui ont été « témoins » de la résurrection de Jésus (Ac 2.32) : il constitue le noyau du peuple prophétique dont la suite des Actes racontera le développement de Jérusalem jusqu’à Rome.
  2. Actes 10 : Le groupe d’Actes 10 est celui des premiers chrétiens d’origine païenne : comme le montrera la reprise du récit en Actes 11 et 15, il représente l’ensemble des païens à qui Dieu a choisi de donner le Saint-Esprit et qu’il a décidé d’intégrer à son peuple (cf. Ac 11.17-18 ; 15.7-9).
  3. Actes 19.1-7 : Enfin, le récit de la venue de l’Esprit sur les johannites (Ac 19.1-7) est construit de manière à souligner qu’il s’agit là de la véritable naissance de l’Église d’Éphèse : les « douze » sur lesquels vient le Saint-Esprit représentent l’ensemble des croyants d’Éphèse qui viendront après eux (dans leur diversité).

Dans ces différents récits, les groupes sur lesquels vient l’Esprit sont représentatifs d’un groupe bien plus large dont ils constituent les prémices : les prémices d’une grande Église locale (Ac 19), les prémices du grand nombre des païens qui seront intégrés au peuple de l’Esprit (Ac 10), les prémices de tous les croyants en Jésus-Christ qui formeront ce peuple de Jérusalem jusque dans « toutes les nations » (Ac 2).

Qu’est-ce que cela signifie concrètement ? Comment l’auteur des Actes envisage-t-il cette dimension prophétique de l’Église ?

La première chose qu’il faut comprendre, c’est que la dimension prophétique de l’Église ne se manifeste pas uniquement à travers des oracles solennels à la manière des prophètes de l’Ancien Testament. On trouve deux ou trois exemples de prophéties de ce type dans les Actes. Il y a notamment le prophète Agabus qui, en Actes 21, va prononcer une courte prophétie introduite par une formule solennelle : « Ainsi parle le Saint-Esprit ! » (Ac 21.11). Néanmoins, cette forme « classique » de prophétie est finalement assez peu évoquée dans le livre des Actes. Et on ne trouve pas d’exemple où tous les croyants se mettraient à prononcer des prophéties de ce type.

En réalité, les Actes montrent que la dimension prophétique de l’Eglise se manifeste de diverses manières :

  • Ce qui est central dans les Actes, c’est la manière dont le Saint-Esprit inspire et conduit la mission chrétienne depuis Jérusalem jusqu’aux extrémités de la terre. C’est l’Esprit de prophétie qui guide la mission. C’est lui qui, par le parler en langues étrangères d’Actes 2 oriente les croyants Juifs vers les nations. C’est lui qui inspire la prédication de Pierre, de Paul ou d’Étienne qui sont « remplis du Saint-Esprit » lorsqu’ils prennent la parole. C’est lui qui produit les « signes et prodiges » qui viennent appuyer la prédication des apôtres ou de l’évangéliste Philippe. Ainsi, la dimension prophétique de l’Eglise se manifeste premièrement dans la manière dont le Saint-Esprit vient équiper les croyants pour être les témoins du Christ dans ce monde.
  • Le Saint-Esprit est aussi celui qui inspire les décisions de l’Eglise. Il est celui qui inspire la décision d’Actes 15, celle qui consiste à ne pas obliger les non-Juifs convertis à Jésus-Christ à se faire circoncire. Ainsi, en Actes 15.28, cette décision est présentée comme étant guidée par le Saint-Esprit. D’après Actes 20.28, c’est aussi le « Saint-Esprit » qui a guidé la mise en place des anciens dans l’Eglise d’Ephèse. En Actes 11, une prophétie d’Agabus va être à l’origine d’un geste d’entraide, les chrétiens d’Antioche décidant d’aider les chrétiens de Jérusalem qui souffrent de la famine.
  • L’Esprit de prophétie inspire aussi des paroles d’encouragement pour fortifier les croyants. Ainsi, en Actes 15, au verset 32, c’est en tant que « prophètes » que Jude et Silas « encouragent » les chrétiens d’Antioche par de « longs discours ». En Actes 4, alors que les disciples sont menacés par les autorités juives, ils prient et le Saint-Esprit vient les « remplir » à nouveau, leur permettant ainsi de continuer à dire la Parole de Dieu avec franchise.
  • Le début de l’évangile de Luc montre que des Juifs comme Zacharie, Elisabeth ou Marie peuvent être inspirées par le Saint-Esprit dans leur prière ou leur louange qui est présentée comme une forme de prophétie. Cela suggère que l’Esprit de prophétie peut aussi inspirer la prière et la louange de l’Eglise.

En résumé, selon l’auteur des Actes, la dimension prophétique de l’Eglise se manifeste dans la manière dont le Saint-Esprit inspire les différentes formes de parole et d’actions de l’Eglise : l’évangélisation, la prédication, l’encouragement fraternel, la prière, la louange, le soutien financier, les décisions importantes de l’Eglise, la mise en place des anciens. Cette dimension prophétique peut parfois revêtir un caractère extraordinaire, par le biais de révélations ou de prédictions, ainsi que par les miracles que Dieu accomplit. Mais elle a aussi une dimension plus « ordinaire », qui se manifeste dans la prière, l’évangélisation, la prédication, les décisions de l’Eglise.

Cet article est un résumé du chapitre « Prophétie, Saint-Esprit et peuple de Dieu dans le livre des Actes », dans La prophétie chrétienne d’après le Nouveau Testament (Excelsis, 2022), p. 145-203.

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