Article initialement publié le 22 octobre 2014 sur le blog Bible & Breakfast.
Plusieurs auteurs plaident pour un retour à une Eglise un peu plus « bio » (en anglais, « organic church »)*. Ce courant de « l’Eglise organique » défend la simplicité de l’Eglise comme communauté de croyants face à la complexité de l’Eglise-institution, avec sa structure pyramidale, ses business-plans, et ses cultes à spectacle. Bref, il s’agit de retrouver l’Eglise « naturelle » : celle qui grandit toute seule sous le regard de Dieu (sans engrais toxiques) ; celle qui contient « l’ADN » du corps du Christ (sans modification génétique) ; celle que pratiquaient nos illustres et très sages ancêtres – c’est-à-dire, l’Eglise du Nouveau Testament.
Au-delà du langage employé (qui est, à mon avis, plus proche du mouvement écolo-bio-naturalo-altermondialo-bobo que de celui du Nouveau Testament), on peut se demander si le modèle défendu par les tenants de l’Eglise « bio » est effectivement celui de « l’Eglise du Nouveau Testament » ?
Ce rêve du « retour à l’Eglise du Nouveau Testament », n’est pas propre à Frank Viola ou Neil Cole, apôtres de « l’Eglise organique ». En effet, c’est à peu près le rêve de tous les croyants qui ont écrit ou réfléchi sur l’Eglise depuis 2000 ans. D’autres, bien avant eux, ont rappelé la simplicité de l’Eglise du début des Actes ou d’1 Corinthiens 14, où tous les chrétiens participent activement à la vie de l’Eglise. Ce rappel, a été – et est encore – salvateur face aux dérives d’une institutionnalisation excessive de l’Eglise : ils ont raison de dénoncer l’Eglise-business, tout comme les réformateurs ont dénoncé le business des indulgences ; ils ont raison de dénoncer une Eglise qui oublierait le sacerdoce universel, tout comme l’ont fait les réformateurs ; ils ont raison de rappeler la primauté du Christ et la souveraineté de Dieu dans l’Eglise, tout comme l’ont fait les réformateurs.
L’Eglise n’est pas une structure dont je pourrais me distinguer, mais bien le « corps du Christ » dont je fais partie, et dans lequel j’ai forcément un rôle à jouer. Ils ont donc bien raison de rappeler les passages du Nouveau Testament qui valorisent une vie d’Eglise simple et participative.
Toutefois, des auteurs comme Frank Viola font ce qu’ils dénoncent chez les autres : ils valorisent certains passages bibliques et en relativisent d’autres. S’ils ont raison de mettre sur le devant de la scène biblique les réunions participatives d’1 Corinthiens 14, ils oublient ou relativisent facilement les nombreux passages qui témoignent d’une structuration de l’Eglise, de la mise en place de responsables (Ac 6.1-7 ; Tt 1 ; 1 Tm 4) , ou d’un fonctionnement bien encadré de l’Eglise (Ac 15 ; Ga 2.1-10 ; etc.). Et du coup, l’Eglise dont ils rêvent n’est plus l’Eglise « du Nouveau Testament », mais l’Eglise d’1 Corinthiens 14 ou d’Actes 2. Même au sein de ces passages, certains éléments sont mis de côté. 1 Corinthiens 14 ne se termine-t-il pas par un rappel de l’importance de valeurs comme « l’ordre », la « soumission », ou la tradition des églises (1 Co 14.32-40) ? Actes 2.42-47 ne mentionne-t-il pas que l’enseignement est à la charge des apôtres ou que les chrétiens se retrouvaient régulièrement « dans le Temple » (et pas seulement dans les maisons) ?
Les principes « d’ordre », de structure, de ministères reconnus, sont tout aussi néotestamentaires que les principes de la communion fraternelle ou du sacerdoce universel. Sans oublier que la Bible ne se limite pas au Nouveau Testament : notre vie d’Eglise n’a-t-elle rien à apprendre de l’Ancien Testament ? Les directives concernant le fonctionnement et l’organisation du culte au Temple sont-elles entièrement dépassées ?
Bref, l’Eglise organique n’est probablement pas plus « l’Eglise biblique » que ne l’est l’Eglise-institution. Chacune met l’accent de manière excessive sur un aspect de l’enseignement biblique plutôt qu’un autre.
L’Eglise organique permet certes de questionner notre vie d’Eglise, ce qui est toujours utile. Mais « l’Eglise du Nouveau Testament » est plutôt celle qui valorise en même temps souveraineté de Dieu ET responsabilité humaine, centralité du Christ ET rôle des croyants, liberté de l’Esprit ET respect de l’ordre, communion fraternelle ET structuration, ministères spécifiques ET sacerdoce universel, soumission ET égalité, accueil de tous ET absence de compromis…
Toutes ces valeurs sont affirmées en même temps par la Bible ; et mises en avant par bien plus d’églises que ce que les livres à succès voudraient nous faire croire. Au final, il s’agit davantage de rechercher le bon équilibre entre ces principes bibliques, que de révolutionner l’Eglise. Malheureusement, les approches équilibrées font moins recette que les ouvrages polémiques…
*Les plus connus sont probablement Frank Viola et Neil Cole. Cet article est essentiellement basé sur ma lecture du livre de Frank Viola, Reimagining the Church, Pursuing the Dream of Organic Christianity (l'ouvrage a été traduit en français, sous le titre : Réimaginer l'Eglise, Poursuivre le rêve du christianisme organique, aux éditions Oasis).Côté français, on retrouvera des idées similaires dans l'ouvrage de Daniel Schaerer, L'Eglise en toute simplicité (auto-édition).
DEBENEST
Je vois autour de moi des personnes qui sont « perturbees » par les écrits de Franck Viola et J’étais attristé en moi même et mal à l’aise par rapport à se mouvement de pensées de » Réimaginer l’eglise » comme si un vent de rebellion soufflait sur les croyants.
En me renseignant sur Franck Viola je suis tombé sur ton article. Il m’a fait du bien et m’a conforté dans mes pensées.
Merci, je ne manquerai pas de faire suivre et m’appuierai sur tes références.
On vous embrasse toi et ton épouse.
Delphine et Jérémie DEBENEST.
Timothée Minard
Merci bien pour ce retour et les encouragements ! Cela fait plaisir de lire un petit mot de votre part.
Salutations et bénédictions chez vous !
Timothée