Sorti en octobre 2014, ce livre de Christophe Paya aborde une question qui a pris de plus en plus de place au sein de nos cultes : celle de la louange. Docteur en Nouveau Testament, et professeur de théologie pratique à la Faculté Libre de Théologie Evangélique (Vaux-sur-Seine), Christophe Paya livre une réflexion à la fois biblique et pratique sur nos temps de louange. Même si la réflexion théologique est profonde et riche, ce petit livre est simple d’accès et se lit très facilement.
En tant que musicien, et leader de louange, j’étais particulièrement motivé pour lire ce livre écrit par un théologien que j’apprécie. Mon attente n’a pas été déçue ! J’ai surtout apprécié l’équilibre valorisé par l’auteur, toujours prompt à relever les aspects positifs et négatifs des différentes mouvances, habitudes ou « modes » en matière de louange. En tant que pasteur de l’Union des Eglise évangéliques libres, Christophe Paya démontre certes une plus grande proximité envers un style évangélique assez « classique ». Il n’abordera pas des questions propres aux églises de type charismatiques ou pentecôtisantes comme le chant en langues ou l’adoration dite « prophétique ». De plus, on regrettera que son analyse des chants d’église intègre peu les compositions des 15 dernières années. Toutefois, le théologien évangélique connaît bien la diversité des églises françaises. Il se garde de prendre parti pour une tendance ou une autre. Ainsi, il dénonce aussi bien l’excès d’intellectualisme qu’un accent trop fort sur l’émotionnel. Il rappelle que la louange intègre à la fois le corps et l’esprit ; qu’il y a de très beaux chants anciens, mais aussi de superbes compositions récentes ; ou que le temps de louange est aussi un temps communautaire d’édification, et qu’il doit tenir compte de la diversité d’âges ou de cultures musicales de ceux qui composent l’Eglise.
Certains regretteront peut-être que Christophe Paya n’ait pas choisi un titre un peu plus vendeur comme « les 10 clés pour réussir vos temps de louange » avec un sous-titre comme « le livre qui va révolutionner la vie de votre église, et vous faire entrer pleinement dans la présence de Dieu »… Au cœur de la louange ne surfe pas sur la vague de « la nouveauté à tout prix », ni du « truc incroyable que j’ai découvert alors que personne n’avait trouvé ça en 2000 ans d’histoire de l’Eglise ! ». Et c’est tant mieux ! Je suis convaincu que les ouvrages les plus bénéfiques pour l’Église ne sont probablement pas les plus « sensationnalistes ». Nous avons besoin de livres comme celui de Christophe Paya qui font le point sereinement sur notre pratique. Sa réflexion n’est pas révolutionnaire, mais elle est sereine et équilibrée, car elle repose sur l’enseignement de toute la Bible avec sa diversité et sa richesse. Et, malheureusement, ce genre d’ouvrage, est devenu assez rare.
Vous pouvez retrouver la table des matières et un extrait du livre sur le site d’Excelsis, en cliquant ici.
Christophe Paya, Au coeur de la louange, Charols / Vaux-sur-Seine : Excelsis / Édifac, 2014, 181 p. ; 12 €
Résumé et extraits choisis :
Le premier chapitre de l’ouvrage est un parcours biblique sur la thématique de la louange. Le docteur en Nouveau Testament est particulièrement doué pour résumer en quelques pages l’enseignement biblique sur un sujet aussi large. Je retiens l’accent mis sur l’enseignement du Nouveau Testament qui présente l’adoration comme mode de vie :
« Pour les adorateurs, on passe d’un lieu et d’un temps donné (l’Ancien Testament) à l’ensemble de la vie (Nouveau Testament) » (p. 32).
Ainsi, à l’inverse de l’Ancien Testament, le Nouveau Testament ne donne pas de règles détaillées sur l’organisation d’un temps de louange. Certainement parce que
« la louange, avant d’être une pratique particulière, qui consiste par exemple à chanter ou à prier, est l’état d’esprit du culte. » (p. 43).
Les chapitres 2 et 3 sont l’occasion de présenter l’approche protestante du chant et de la louange au sein du culte. Le chapitre 3, en particulier, propose une Petite histoire du chant d’Église. On découvrira entre autres que Zwingli et Calvin étaient opposés à l’utilisation d’instruments de musique dans l’Église, alors qu’à l’inverse Luther voyait la musique comme « un don de Dieu ».
Le chapitre 4 est un de mes préférés. Christophe Paya y valorise Les équilibres de la louange. Il rappelle la nécessité de développer des temps de louange qui ne soient pas déconnectés de notre vie quotidienne :
« la louange communautaire hebdomadaire est […] un moment particulier, un moment fort, au sein d’une vie d’adoration de Dieu » (p. 71).
Il met en garde contre une louange qui essayerait un peu trop de nous extraire du « monde terrestre » pour nous plonger dans un « monde spirituel ». En effet, ces deux mondes sont indissociables : même si, effectivement, la louange est un « moment de répit » au sein d’une réalité pas toujours facile à vivre (p. 72),
« il vaut mieux concevoir la louange, non pas comme un moyen de nous extraire de la réalité du monde, mais comme un moment où, parce que nous fixons nos regards sur le Seigneur, avec les frères et sœurs dans la foi, notre regard sur le monde change. » (p. 73).
Le théologien rappelle que, si la louange chrétienne doit être trinitaire, elle doit aussi être « christocentrique ».
« On peut louer le Père, le Fils et le Saint-Esprit, même si les données bibliques ne nous incitent pas à une « parité » stricte, mais plutôt à prier le Père par le Fils dans l’Esprit. Mais le culte chrétien met intentionnellement Jésus-Christ au centre. » (p. 74).
Enfin, comme je l’ai déjà mentionné il insiste sur la nécessité d’une louange qui intègre à la fois l’intellect et les émotions ; l’esprit et le corps.
Les chapitres 5 à 9 sont davantage axés vers des aspects pratiques liés à l’organisation et la conduite d’un temps de louange.
J’ai apprécié notamment la réflexion sur le choix des cantiques (chapitre 7). Christophe Paya invite ceux qui sont en charge d’organiser les temps de louange à réfléchir sur le choix des chants qu’ils font chanter. On pourrait certes choisir les chants en fonction de leur qualité littéraire ou musicale, ou par goût personnel. Mais, est-ce judicieux ? Puisque la louange communautaire doit répondre avant tout au critère « d’édification » (1 Co 14.26), il convient de prendre en compte la validité « théologique » du chant. Pour nous guider dans cette réflexion, il propose 3 questions à se poser avant de choisir un chant :
« (1) De quel texte ou thématique biblique peut-on […] rapprocher [le chant] ? (2) Est-ce que la pensée véhiculée par le chant formule de la bonne manière la notion biblique ou théologique à laquelle le chant se rattache ? (3) Comment ce cantique se situe-t-il par rapport aux priorités théologiques de l’Écriture et/ou de l’Église ? » (p. 120).
Ainsi, il montre que les thématiques de certains chants (p. ex. l’image de l’Église comme une « armée ») sont parfois des thématiques secondaires ou annexes de l’Écriture. Il convient donc de ne pas leur donner une place trop centrale, en multipliant les chants sur cette question.
Mentionnons encore cette petite phrase sur l’importance de la préparation :
« Se préparer, […] c’est en fait prendre le temps de se laisser préparer par l’Esprit de Dieu. L’Esprit agit pendant le culte, avant le culte et après le culte. Se préparer, c’est prendre au sérieux son action et prendre au sérieux la louange ».
Le dixième et dernier chapitre évoque quelques Qualités et égarements de la louange. Après avoir rappelé l’apport de la louange moderne, Christophe Paya mentionne quelques limites ou risques : je retiens notamment le risque du « renfermement sur soi » alors que la louange devrait être un temps d’adoration communautaire ; ou encore, le risque de transformer la louange en un temps de « divertissement ».
kizito Héman
Article très édifiant…nous comptons bien trouver le livre!
Merci pour ces précieux conseils. Ceux qui ont plus d’expérience partagent leurs utiles appréciations. Organiser la louange dans l’église…une vraie gageüre.