A l’heure où la tablette est en place de remplacer le bon vieux livre, de plus en plus d’ouvrages théologiques sont désormais disponibles au format numérique. Certains logiciels bibliques comme Logos ou Accordance, ont fait le choix de proposer un catalogue conséquent d’ouvrages exégétiques pouvant être intégrés à leur logiciel. Ainsi, le catalogue de Logos contient plus de 12 000 titres : on y trouvera pratiquement tous les ouvrages anglophones du rayon « usuels » des meilleures bibliothèques théologiques universitaires. Le contenu disponible en français est bien plus limité, mais on peut tout de même trouver quelques ouvrages pour Logos (voir cet article).
Par conséquent, celui qui étudie la Bible peut se poser légitimement la question : faut-il investir dans une bibliothèque électronique, ou continuer d’acheter des livres en bon vieux papier (quand le choix se présente) ?
Se constituer une bibliothèque électronique plutôt que papier a plusieurs avantages :
- Premièrement, il n’est pas nécessairement besoin de négocier avec son conjoint l’aménagement d’une bibliothèque ! Elle tient sur un ordinateur.
- Deuxièmement, la bibliothèque électronique est mobile : elle devient accessible depuis n’importe quel ordinateur et l’on peut poursuivre la lecture sur sa tablette ou son smartphone.
- Troisièmement, il n’est plus possible de perdre un livre, ni de se le faire voler car il est stocké sur le nuage. En cas de vol de son ordinateur ou de problème avec son disque dur, il est possible, à tout moment, et sur n’importe quel ordinateur, de télécharger à nouveau le logiciel avec les ouvrages achetés. Pour cela, il suffit d’entrer son nom d’utilisateur et mot de passe.
- Quatrièmement, l’utilisateur n’achète pas seulement un ouvrage exégétique de référence, il achète une version magnifiée de cet ouvrage au sein duquel il est possible de faire des recherches informatiques. Par exemple, avec Accordance ou Logos, on peut chercher au sein d’un ouvrage toutes les pages qui contiennent telle référence biblique ou tel mot.
- Cinquièmement, et c’est là l’atout principal, le logiciel compile et met en relation les différents livres de la bibliothèque électronique.
Prenons un exemple : lors de la consultation d’un verset donné, l’utilisateur souhaite consulter les commentaires de sa bibliothèque sur ce verset. En un clic, Logos ou Accordance indique tous les commentaires sur ce verset et les ouvrent à la bonne page. De plus, si le commentaire contient une référence biblique, le texte correspondant s’affiche dans une bulle, et d’un simple clic il est possible d’ouvrir le texte biblique à l’emplacement de cette référence. Cela ne vaut pas que pour le texte biblique, c’est aussi le cas pour les références d’un manuscrit de Qumran, ou d’un texte de Josèphe, Philon ou de tout autre texte ancien de votre bibliothèque électronique. En un clic, on peut vérifier les références citées par le commentaire.
Autre exemple : il est possible de consulter sur Logos la dernière version du fameux dictionnaire de grec classique de Liddell, Scott et Jones (LSJ). Or, celui-ci contient de nombreuses abréviations de textes anciens que les non-spécialistes auront du mal à reconnaître sans avoir recours à l’index des abréviations. Avec Logos (tout comme avec Accordance), toutes les abréviations sont explicitées lorsque l’on passe la souris dessus. Mieux, si la base de données Perseus, gratuite pour Logos, est installée, le lien sera fait entre toutes les références du LSJ et les textes classiques cités par celui-ci : en un clic, il est possible de consulter directement le texte grec.
- Sixièmement, les prix des ouvrages électroniques sont souvent inférieurs à ceux des ouvrages papiers, et il est parfois possible de faire de très bonnes affaires.
Le principe d’une bibliothèque électronique est donc séduisant. Cependant, il convient d’en souligner aussi quelques inconvénients.
- Premièrement, même si Accordance ou Logos permettent la lecture sur tablette, lire sur un écran reste généralement moins agréable et plus fatiguant que sur du papier.
- Deuxièmement, il n’est pas possible de prêter ses livres. Il est toutefois possible de les revendre ou de les donner, en demandant à Accordance ou Logos de transférer ses ouvrages à l’acheteur ou le bénéficiaire du don.
- Troisièmement, et c’est là l’argument principal, les livres ne sont lisibles qu’avec un logiciel donné. Or, le monde de l’informatique évolue très rapidement : il n’est pas possible de savoir si, d’ici quelques années, Accordance ou Logos n’obligeront pas leurs utilisateurs à acheter une mise à niveau du logiciel pour pouvoir lire leurs livres avec leur matériel informatique qui aura lui aussi évolué. Ou pire, qu’arrivera-t-il de ces ouvrages électroniques si leurs éditeurs font faillite et ne mettent donc plus à jour leurs logiciels en fonction de l’évolution du matériel informatique ? Cette question ne se pose pas avec un ouvrage papier : à moins d’une inondation, d’un incendie ou d’un vol, il sera encore possible de l’ouvrir dans 50 ans.
Il convient donc de mesurer le risque avant de se lancer dans l’achat d’un ouvrage électronique, surtout si son prix est élevé.
Notons cependant que la formule de Logos par abonnement (Faithlife Connect) permet d’écarter le dernier risque évoqué : désormais, il est possible de « s’abonner » au logiciel, pour quelques euros par mois, sans engagement.
De plus, une autre donnée est à prendre en compte : Accordance et Logos se lancent aujourd’hui dans l’édition d’ouvrages scientifiques uniquement électroniques. L’exemple le plus frappant est celui de l’entreprise Faithlife qui édite Logos. Celle-ci ne conçoit pas seulement plusieurs logiciels pour la lecture d’ouvrages religieux, mais elle édite également de plus en plus d’ouvrages à travers sa filiale Lexham Press. Celle-ci édite de nouvelles traductions anglaises de la Bible, une Bible d’étude, un dictionnaire biblique, plusieurs séries de commentaires bibliques, mais aussi de nouvelles éditions des textes originaux en collaboration avec la SBL ou des biblistes plus ou moins renommés. Entre autres, elle propose sa propre édition des manuscrits bibliques de la mer morte ; ou encore elle travaille sur une traduction anglaise du fameux ouvrage de Strack et Billerbeck. Bien entendu, la plupart de ces ressources ne peuvent être consultées qu’à partir des logiciels produits par Faithlife. De telle sorte que l’on devient obligé de posséder leur logiciel si on veut pouvoir accéder à ces ouvrages dont certains ont une véritable valeur scientifique.
De fait, qu’on le veuille ou non, l’avenir de nos bibliothèques sera, au moins en partie, sur support informatique.
Kev
Merci Tim, un article bienvenu qui permet d’y voir bien clair. Encore beaucoup attaché au papier je n’ai pas encore franchi le pas. Mais combien de temps résister encore… telle est la question, surtout avec les avantages nombreux que tu mentionnes. Affaire à suivre !
Albocicade
Il y a quelques années, à l’heure où internet n’était pas encore en haut-débit, j’ai été amené à composer une bibliothèque numérique personnelle (exégétique, patristique…) à partir de ressources non commerciales accessibles sur le net. Ce travail continue et si les ressources se multiplient, certaines (pourtant fort utiles) ont disparues de la toile. Les logiciels « tout-en-un » sont certainement utiles, mais imposent d’enter dans des logiques d’usage, tandis qu’à composer votre propre bibliothèque, vous pouvez avance à partir de vos « reflexes » (tout en restant ouvert à l’imprévu, puisque les nouveautés ouvrent de nouvelles pistes de recherche).
admin
Merci bien « Albocicade » pour ce commentaire. C’est vrai que les logiciels bibliques facilitent le travail, mais il est tout à fait recommandable de se constituer également sa propre bibliothèque numérique composée des ressources glanées sur le net. Utilisez-vous un logiciel de gestion bibliographique pour vous y retrouver (Zotero, Endnote…) ?
Albocicade
En fait, j’avais constitué un système en htm (type documents web) avec dossiers et page de table par auteur et regroupements par thèmes.
Tant que mes ressources étaient en htm ou pdf-texte (donc pas trop lours) c’était bien gérable) mais lorsque j’ai dépassé les 4 GB de données (principalement à cause des pdf-image), c’est à dire le copiable sur DVD (il en existe une petite cinquantaine de copies qui se promènent) j’ai arrêté ce type de classement. Maintenant je stocke en dossiers thématiques, en essayant de faire confiance à ma mémoire pour penser à consulter le bon document au bon moment… pas très au point en vérité.
Et puis, comme je suis partageur, j’indique mes mises en ligne et mes trouvailles sur mon blog (section « cigales bibliothécaires »), sachant que du fait de la volatilité d’internet, de nombreux liens deviennent morts à plus ou moins longue échéance.