Article initialement publié en décembre 2013 sur le blog Bible & Breakfast, mais particulièrement d’actualité en cette année électorale. Qu’en cette période, notre témoignage chrétien puisse s’exprimer à la fois de manière « prophétique » en faisant entendre les valeurs de Dieu dans notre société ; mais aussi en priant, en honorant et en bénissant ceux qui nous gouvernent (ou nous gouverneront) !
Lorsque je lis ou entends certaines critiques violentes adressées par certains chrétiens à ceux qui nous gouvernent [quel que soit leur bord], je suis bien attristé. « Vous leur devez l’honneur ». Voilà l’attitude que Paul nous recommande envers les autorités (Romains 13.7). En effet, précise-t-il, « ils sont les serviteurs de Dieu » (v.4). Aux larmes citoyens !
Imaginez cette annonce : « Offre poste à haute responsabilité, correctement rémunéré. Aucun diplôme nécessaire. Vous travaillerez 7 jours sur 7, 70 heures par semaine, sans horaire fixe, avec deux ou trois semaines de vacances par an. Votre travail sera constamment surveillé, scruté, étudié, critiqué et commenté publiquement. Vous serez épié par les média qui ne se priveront pas de divulguer votre vie privée. Le contrat est à durée déterminée, mais il pourra éventuellement être prolongé, à condition que vous arriviez à satisfaire les désirs multiples et variés de vos très nombreux employeurs. Pour postuler, merci d’envoyer tracts, lettres de motivations et affichettes à tous vos potentiels employeurs. Vous devrez avancer les frais liés à votre candidature. »
Qui voudrait d’un tel poste ? Pourtant, c’est bien souvent à quoi ressemble le travail de ceux qui nous gouvernent. Mettez-vous un instant à leur place. La vie de nos élus est loin d’être facile : beaucoup en ressortent abîmés, si ce n’est brisés. Ils ont peu de « vrais » amis. Il leur est pratiquement impossible de mener une vie de famille sereine.
Certes, c’est notre devoir en tant que chrétiens de faire entendre notre voix de « prophète » face aux injustices. C’est notre devoir que d’encourager nos élus à valoriser ce que notre Dieu appelle « bien » et à réprimer ce qu’il appelle « mal ». Mais c’est autre chose que de s’en prendre directement à ceux qui nous gouvernent en les insultant [poliment], en les traitant [gentiment] d’incapables ou de bons à rien.
Alors, n’ajoutons pas à leur charge en leur faisant porter la responsabilité de tous les maux de notre société ! Car s’ils ont un travail à haute responsabilité, la parole de Dieu ne nous rend pas moins responsables envers eux. En Romains 13.1-7, Paul encourage les chrétiens à se « soumettre aux autorités ». Pourquoi ? Parce qu’elles « viennent de Dieu », « elles sont voulues par Dieu » (v. 1), et qu’elles sont « au service de Dieu » (v. 4 et 6). Et l’apôtre de conclure : « Donnez à chacun ce que vous lui devez : l’impôt, la taxe, le respect et l’honneur » (v. 7). Nous devons donc « respect » et « honneur » à ceux qui nous gouvernent.
« Ok, me direz-vous, mais Paul a ici en vue des autorités qui font ce qui est bien. Alors que notre gouvernement… »
Rappelons-nous que Paul adresse premièrement ces recommandations à des chrétiens qui habitent Rome, vers 55 après Jésus-Christ. Paul aurait-il oublié ce que les autorités ont fait subir aux judéo-chrétiens de Rome, expulsés par l’Empereur Claude quelques années auparavant (cf. Actes 18.2) ? Paul aurait-il oublié que les autorités de l’époque sont pour l’essentiel des païens idolâtres, aux valeurs morales et sociales peu compatibles avec celles de la Bible ? Paul aurait-il oublié que Jésus-Christ a été condamné injustement à la crucifixion par les autorités de son temps ?
Les chrétiens de Rome avaient bien plus de raisons que nous de ne pas honorer leurs autorités ! Laisserons-nous le Seigneur changer nos coeurs et nos regards envers ceux qui nous gouvernent, et qui, de plus, ont été choisis par le peuple ?
Puissions-nous leur rendre l’honneur et le respect qui leur est dû ! Prions pour eux. Bénissons-les. Honorons-les ! Et pourquoi pas, en cette période de l’année, transmettre à nos élus notre soutien et nos prières, sous forme d’une carte de voeux ?
Rendons les armes et prenons les larmes !
Dans une même lignée, vous trouverez un encouragement à la prière pour les autorités, sur le site du CNEF « Prions pour la France ».
En passant
Après les larmes, il faudra pourtant aller aux urnes. Les chrétiens de Rome que Paul exhorte à se soumettre aux autorités, n’avaient pas quant à eux le souci de choisir ces dernières ; on ne leur demandait pas leur avis : ils devaient simplement accepter le pouvoir en place. Les temps ont changé, mais pas le Saint Esprit ; et c’est justement là ce qui est très étonnant : le fait que nos leaders évangéliques, après avoir prié, ne savent toujours pas les conseils de vote qu’ils devraient communiquer à leurs églises ! Vidéo lénifiante et spirituelle à souhait, mais totalement creuse de concret… Je sais bien que l’on se réfugie derrière le dicton qu’un français évangélique ne fait jamais de politique… sauf quand il s’agit de l’Amérique… alors là les conseils aux évangéliques américains abondent, pour qui ils devraient voter et pour qui ils ne devraient pas voter. Bizarrement, sur les élections en France, plus rien ! Alors on va prier… mais très généralement… surtout rien de précis, de peur qu’on ne soit pas invité à l’Elysée, si on avait pris le mauvais engagement.
admin
Comme je le dis en introduction, « qu’en cette période, notre témoignage chrétien puisse s’exprimer à la fois de manière « prophétique » en faisant entendre les valeurs de Dieu dans notre société ; mais aussi en priant, en honorant et en bénissant ceux qui nous gouvernent (ou nous gouverneront) ! » En tant que chrétiens, nous avons le devoir de faire entendre notre « voix » (dans tous les sens du terme). Mais cela n’empêche pas de prier et de bénir les personnes qui nous gouvernent (ou nous gouverneront).
Quand à donner des consignes de vote, cela me parait à la fois difficile et infantilisant. Nous devons, en tant que pasteurs et responsables, rappeler les valeurs essentielles affirmées par la Parole de Dieu. Celles-ci ne se résument pas à des questions morales (respect de la vie, valorisation de la famille, etc.) : la Bible valorise aussi une société qui prend soin des plus pauvres, qui accueille l’étranger, qui oeuvre pour la paix, etc. Malheureusement, je ne pense pas qu’il y aurait un candidat dont le programme valorise l’ensemble de ces valeurs bibliques. Plutôt que de dire : « voilà pour qui vous devez voter », il me semble bien plus pertinent de former les croyants pour qu’ils apprennent à développer un regard biblique équilibré sur la société, pour qu’ils puissent voter en fonction, et s’engager dans la société.
Lorsque les Douze encouragent les chrétiens à élire des hommes pour le service (Actes 6.1-6), ils ne leur disent pas qui ils doivent choisir : ils leur donnent des critères pour le choix (des « hommes de bonne réputation, remplis d’Esprit et de sagesse »). Même si le parallèle avec nos élections est limité, je crois que nos leaders feraient mieux de suivre ce modèle-là que celui de certains leaders américains.
En passant
Tout cela est très sage et très prudent, mais ne répond pas au fond de la question, qui est de nature « métaphysique ». En admettant que le Saint Esprit habite le chrétien, en admettant que Dieu n’est pas indifférent au choix d’un président mais a une préférence personnelle, comment se fait-il qu’il ne se dessine pas dans les églises évangéliques une large majorité en faveur d’un candidat (celui qui plaît le plus ou qui déplaît le moins à Dieu) ?
La réponse ne fait guère de doute : les prétentions des pasteurs-prophètes à connaître la pensée et la volonté divines sont illusoires ; ils n’en savent pas plus là-dessus que les païens. C’est pourquoi il sera bien avisé de se méfier aussi de leur vision sur l’avenir des églises, et sur la marche générale qu’elles devraient suivre.