Non, des milliers de temples de Baal ne vont pas être érigés partout dans le monde !

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L’arc de triomphe de Palmyre, à Trafalgar Square (Londres) [source : http://digitalarchaeology.org.uk/]

Mise à jour (19 avril 2016) : C’est bien une reconstitution 3D de l’arc de triomphe de Palmyre (et non pas la porte du temple de Bel) qui vient d’être installée sur Trafalgar Square pour une exposition temporaire de 3 jours. C’est ce même monument qui sera ensuite exposé à New York et Dubai avant une possible installation permanente à Palmyre sur l’emplacement de l’original (détruit par Daesh). Aucune mention d’une possible reconstitution de la porte du Temple de Bel de Palmyre (qui, pour sa part, n’a pas été détruite). Source : par exemple ici.

Peut-être avez-vous vu l’information circuler sur les réseaux sociaux : on nous annonce que « des temples du dieu Baal seront érigés dans plus de 1000 villes partout dans le monde ». Il s’agit là du titre d’un article du site infochretienne.com. Une rapide enquête et vérification des sources permet de constater que la réalité semble bien éloignée de ce titre « sensationnaliste ».

L’action de « The Institute for Digital Archaeology » (IDA)

Comme le rapportent les différents articles sur le sujet, le projet en question est porté par The Institute for Digital Archaeology (IDA), qui travaille en partenariat avec de grandes universités (Oxford, Harvard, etc.). C’est donc le site de cet Institut qu’il convient de consulter en premier lieu lorsqu’on souhaite vérifier l’information.

L’objectif de cette organisation est de travailler à la numérisation des données archéologiques, notamment en effectuant des photographies haute-définition de monuments anciens, sites archéologiques, ou inscriptions antiques. Un de ses projets, intitulé « Million Image Database », est de photographier massivement les sites archéologiques du Moyen-Orient ou d’Afrique du Nord situés dans des zones de conflits. L’objectif est de constituer une gigantesque base de données, en accès libre, permettant à ceux qui le souhaitent (musées, particuliers, etc.) de reconstituer à l’identique les ruines ou inscriptions photographiées. Cette action permet notamment de préserver les données des sites archéologiques par rapport aux destructions éventuelles opérées par certains islamistes comme ceux de Daesh.

L’IDA va-t-il installer des répliques du « Temple de Baal » à Londres et New York ?

C’est dans le but de promouvoir l’initiative « Million Image Database » que l’Institut a prévu d’exposer une « impression 3D » d’une porte monumentale du site archéologique de Palmyre. Ainsi, la page d’accueil du site de l’IDA indique qu’une reconstitution grandeur nature de « l’arc de triomphe de Palmyre » sera installée le 19 avril 2016 sur Trafalgar Square (Londres) [voir photo ci-dessus].

Contrairement à ce qu’annoncent de nombreux sites, ce n’est apparemment pas la porte monumentale du Temple de Baal (ou Bel) de Palmyre qui sera installée à Londres, mais l’arc de Triomphe (qui n’a rien à voir avec le Temple de Baal). De plus, cette page ne mentionne aucune installation similaire à New York.

Un journal aussi sérieux que le New York Times indique pourtant que c’est une réplique de la porte du Temple de Bel qui sera installée à Londres et New York au mois d’avril. Sauf que cet article du 19 mars cite comme seule source sur une information datée de fin décembre. A cette même époque, un article du New York Post indiquait que l’installation de cette réplique sur Times Square « attendait l’approbation du bureau du maire [de New York] » et que son installation poserait « des problèmes de sécurité et de trafic ».

En résumé, il est très probable qu’une réplique de l’arc de triomphe de Palmyre soit installée à Londres au mois d’avril, dans le cadre d’un événement ponctuel. Il se peut qu’une reproduction de la porte du Temple de Baal de Palmyre soit aussi exposée à Londres ou New York, mais l’information est bien moins certaine.

Il n’est donc nullement prévu que « le temple de Baal » soit reconstruit à New York ou Londres, ni même ailleurs. Au mieux, il s’agirait de l’installation provisoire de répliques d’une de ses portes monumentales.

D’où vient la rumeur de l’installation de « milliers » de répliques du Temple de Baal partout dans le monde ?

 La rumeur provient probablement d’une petite phrase d’un article du New York Post daté de décembre dernier, qui indique que « l’Institut prévoit de construire environ 1000 versions de la porte monumentale [du Temple de Bel] dans diverses villes autour du monde ». Toutefois, je n’ai retrouvé nulle part ailleurs la même information remontant à une autre source : les articles mentionnant ce chiffre renvoient à ce même article du New York Post (lorsqu’ils citent leurs sources).

Il est fort probable que le journaliste du New York Post ait mal compris le projet de l’IDA. En effet, si des expositions similaires à celle de Londres sont prévues ailleurs dans le monde en 2016, il est peu probable que ce soit la porte monumentale du Temple de Baal qui soit partout exposée. L’objectif du projet « Million Image Database » est de pouvoir mettre à disposition du public des photographies permettant la reconstitution 3D de très nombreux monuments antiques. On peut donc espérer que les musées du monde entier saisissent cette opportunité pour installer des répliques en rapport avec leurs collections.

La portée symbolique de la porte monumentale du « Temple de Baal (ou Bel) » de Palmyre

Le site archéologique de Palmyre était un témoin privilégié de la vie d’une riche cité du Moyen-Orient à l’époque romaine (voir la page Wikipédia). Le « temple de Baal », construit à partir du premier siècle de notre ère, était l’un des mieux conservés de cette époque. Rappelons que le culte de « Baal » (ou « Bel ») à l’époque romaine n’avait pas grand-chose à voir avec le culte du Baal cananéen dénoncé dans l’Ancien Testament. Le nom « Baal » ou « Bel » est un nom générique pouvant désigner de nombreux dieux assez différents parmi différents peuples du Proche-Orient ancien.

De plus, au fil de l’histoire, le « temple de Baal » de Palmyre a été transformé en église, puis en mosquée. Ce temple est donc aussi un témoin de l’histoire du christianisme dans cette région du monde !

En août 2015, le site est détruit à l’explosif par Daech, ce qui fut alors largement médiatisé. Bizarrement, si le temple a été rasé, sa porte monumentale semble avoir survécu. L’image satellite de cette porte, seule restée debout au milieu d’un champ de ruine, a pu être utilisée comme symbole de « résistance ». Suite à la reconquête de la ville de Palmyre par l’armée syrienne il y a quelques jours, les média disposent d’images qui confirment la « survie » de cette porte du temple de Baal (voir, par exemple, ce reportage de France 2).

Si tant est que l’IDA ait choisi d’illustrer son action en installant une ou plusieurs répliques de cette porte monumentale (ce qui n’est pas certain), cela pourrait tout à fait se comprendre. Il s’agit là, tout simplement, d’un pied de nez médiatique à l’action destructrice de Daech.

Pourquoi les chrétiens devraient plutôt soutenir une telle initiative !

Les chrétiens ont été parmi les premiers à s’intéresser à l’archéologie du Proche-Orient ancien, et ce, pour plusieurs raisons.

D’une part, l’archéologie nous permet de mieux comprendre les textes bibliques. C’est grâce à des monuments comme le Temple de Baal de Palmyre que nous pouvons avoir une idée du contexte religieux de l’Empire Romain. Cela nous aide à mieux comprendre, par exemple, les récits des Actes ou les lettres de Paul qui évoquent les défis de l’évangélisation au sein d’une société païenne.

D’autre part, la foi chrétienne ne peut pas se déconnecter de l’Histoire. Une des plus anciennes confessions foi chrétienne, le symbole des apôtres, proclame que « Jésus-Christ a été crucifié sous Ponce Pilate ». Notre foi est fondée sur un événement historique fondamental : la mort et la résurrection de Jésus-Christ, à une époque donnée. Plusieurs textes bibliques évoquent la nécessité de « faire mémoire » de ce que Dieu a accompli dans l’Histoire (p. ex., Dt 5.15 ; Jg 8.34 ; Lc 22.19).

Le temple de Baal de Palmyre nous apprend quelque chose sur l’histoire de l’Église dans cette région du monde : à une époque, les temples païens ont été « reconvertis » en église. Nous devrions donc, en tant que chrétiens, être les premiers à soutenir une initiative telle que celle de l’IDA, d’autant plus que, parmi les nombreux sites photographiés, certains sont des sites chrétiens.

Quelques conseils aux média chrétiens et à ceux qui sont actifs sur les réseaux sociaux…
  • Evitons de « grossir » l’information : ici, la possible exposition de répliques de la porte monumentale du temple de Baal de Palmyre s’est transformée en l’affirmation de « la construction de milliers de temples de Baal partout dans le monde » !
  • Evitons de choisir des titres « sensationnalistes » dans le but de faire le buzz !
  • Vérifions l’information auprès des sources de première main.
  • Si celles-ci ne sont pas accessibles, soumettons l’information à des personnes compétentes sur le sujet (historiens, archéologues, épigraphistes, biblistes ou théologiens). Ceux-ci disposent généralement des compétences nécessaires pour vérifier, assez rapidement, si l’information est fiable ou non.

2 Responses

  1. Pepscafe

    Bonjour !

    Merci à vous pour ce pertinent article, nous invitant à de bons « réflexes informationnels » !

    Fraternellement,
    Pep’s

  2. Ines Rey

    Merci pour tout ce travail de vérification.
    Oui, il est important de ne pas nous laisser envahir par la peur et de la difuser.
    Au contraire, proclamons notre foi, élevons le nom de Yeshoua/ Jésus qui est tout-puissant et son sang qui est tout-suffisant pour nous laver et nous protéger.